22 juin 2009

Une interview d'Alain Goudey sur l'identité sonore de la marque

Par Alain Goudey

Réalisée par Pierre Desmet et publiée sur le site du Master Marketing de Dauphine, Alain Goudey y aborde les problématiques principales liées à l’utilisation d’une identité sonore par la marque. Voici quelques extraits de cette interview…

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

J’ai un parcours assez atypique puisque après une classe prépa scientifique, je suis rentré à Telecom Ecole de Management (ex-INT Management), une école de commerce, avant de créer ma société, AtooMedia , agence de communication sonore et de design musical. En parallèle d’AtooMedia, j’ai poursuivi par le Master Recherche Marketing & Stratégie (DEA102) de Paris-Dauphine puis une thèse sur l’influence de la musique de marque sur le comportement du consommateur (Thèse disponible ici).

Aujourd’hui, j’assume donc trois casquettes complémentaires : celle de directeur associé d’une agence de communication sonore, celle d’un professeur associé en école de commerce (NDLR : il s’agit de Reims Management School) et enfin celle de chercheur en marketing. C’est parfois difficile en termes d’emploi du temps, mais c’est vraiment enrichissant que de pouvoir travailler ces trois aspects de manière simultanée.

L’identité musicale de marque ? De quoi s’agit-il précisément ?

L’identité musicale de marque (ou identité sonore) est un ensemble d’éléments musicaux, vocaux ou bruités qui vont être utilisés par une marque dans une démarche de communication. Ces éléments peuvent être tellement diversifiés qu’au sein de l’agence AtooMedia, nous parlons d’univers musical et sonore.

L’univers musical et sonore se décompose en quelques grandes composantes comme : le jingle (ou sonal), l’ambiance musicale et la chanson commerciale.

* Le jingle est un élément très court, interpellant qui va généralement servir à renforcer l’apparition du logo visuel de la marque, ou à le remplacer quand celui-ci n’est pas diffusable (à la radio, dans les espaces de vente, etc.).
* L’ambiance musicale va elle venir davantage en soutien d’éléments visuels plus complexes et plus durables (musique d’ambiance des publicités TV, sonorisation d’ambiance des magasins, etc.).
* La chanson commerciale va quant à elle soutenir une identité forte de la marque en essayant d’opérer un transfert de sens et d’émotions entre la chanson reprise ou créée pour l’occasion et la marque qui l’utilise.

Vous pensez que beaucoup d’entreprises utilisent le concept d’univers musical et sonore ?

Oui et non… dans la pratique, elles sont très peu nombreuses à utiliser toutes les possibilités offertes par la musique et le son pour communiquer. Souvent elles cherchent à avoir une attente téléphonique agréable, un site Internet attractif, une publicité sympa, mais peu travaillent en profondeur leur identité musicale. Néanmoins, si je vous parle de DIM, de Nokia, d’Evian ou encore de 118 218, il est fort probable que vous soyez capable de chantonner leur jingle respectif. Aujourd’hui, les supports qui permettent de proposer du contenu sonore sont extrêmement nombreux : la téléphonie fixe, les magasins, les sites Internet, la radio, la télévision, les podcasts, la téléphonie mobile, etc. A chaque fois qu’une marque veut être présente sur ces supports, elle se doit de réfléchir à la manière dont elle va communiquer sur le support, mais elle devrait également songer à la démarche globale qu’elle souhaite avoir sur l’ensemble de ces supports. Je dirai qu’aujourd’hui, les entreprises prennent de plus en plus conscience de l’intérêt d’optimiser la qualité de leur présence sonore. En revanche elles sont peu nombreuses à adopter une véritable démarche sonore globale … alors qu’elles le font au niveau visuel !

[…]

Pas de résultats vraiment significatifs …

Si, quelques résultats sont récurrents :
* L’effet positif de la présence musicale : la familiarité de la musique et son caractère plaisant ont un effet sur la consommation ; il est préférable de mettre de la musique plutôt que d’avoir un magasin ou un restaurant silencieux ;
* La capacité de la musique à faire émerger des associations d’iédes spécifiques. Par exemple, un tempo lent et un timbre de type violon véhiculent des valeurs de type « aérien », « majestueux » et « calme » alors qu’un timbre piano implique des valeurs du type « aquatique » et « zen ».
* L’hyperstimulation sensorielle ne produit pas d’effets positifs. Les choix sonores sont donc à faire en prenant aussi en compte la densité du message visuel et le niveau général de stimulation sensorielle. Un individu ne peut pas absorber toujours plus d’informations sensorielles !

Quelles sont alors vos recommandations pour une marque qui souhaiterait se doter d’une identité musicale de marque ?

Il y en a plusieurs.
La première est que le langage multi-sensoriel doit être perceptible, compréhensible, et cohérent. Ce précepte découle du principe de synesthésie qui régit très en amont, sur la perception multi-sensorielle, le fonctionnement de l’individu. Il y a une véritable rhétorique sensorielle de marque à développer et la marque visuelle doit coïncider avec la marque sonore !
La seconde recommandation est de bien cerner les objectifs attribués à la mise en œuvre d’un univers musical et sonore de marque. Il est possible de faire beaucoup de choses comme :
* faciliter l’identification de la marque,
* séduire et captiver une clientèle nouvelle par une extension (par la musique) des valeurs véhiculées par la marque,
* renforcer la qualité perçue de la marque par un travail sonore fin et précis,
* accompagner le consommateur dans son quotidien en maniant habilement les différents supports sonorisables, etc.

Ma dernière recommandation c’est clairement de faire appel à des spécialistes de ces approches et d’y consacrer un budget en parfaite cohérence avec ses ambitions. Entamer une démarche d’identité musicale de marque n’est pas forcément onéreux (quelques milliers d’euros), mais pour la travailler sur tous les supports, à l’échelle internationale et dans le temps, il faut mobiliser des budgets plus conséquents.

L’ensemble de l’interview est disponible ici : Master Marketing de l’Université Paris Dauphine